Présentation
Le café éthique du mercredi 20 mars 2024 a eu la particularité d’entretenir son auditoire sur deux thématiques à savoir « l’annonce du diagnostic en pédiatrie » d’une part et « éthique et raisonnement clinique partagé » d’autre part.
Pour communiquer sur ces sujets, le café s’est vu honoré de la présence de deux invités de marques qu’étaient respectivement le Professeur Paul KOKI et le Professeur Roger ZINTCHEM. En effet, le choix de deux thématiques pour cette quinzième édition n’est pas anodin. C’est qu’en réalité, il existe un lien entre elles. Celui-ci se traduit par le fait que le Diagnostic annoncé par le médecin pédiatre résulte du raisonnement clinique que ce dernier suit au préalable. Ainsi, le raisonnement clinique partagé est une autre dimension de l’annonce du diagnostic au travers du bénéfice d’un réseau de confrères (médecins notamment), dans la prise en charge ou l’accompagnement ; cela suppose que les uns et les autres aient partagé un certain nombre d’éléments ou alors qu’ils sont engagés dans une dimension de partage.
I. SYNTHESE DES ECHANGES SUR: L’ANNONCE DU DIAGNOSTIC EN PEDIATRIE
Communicateur : Paul KOKI - Directeur du Centre Mère et Enfant de la Fondation Chantal Biya ; Pédiatre émérite ; maitrise des problématiques éthiques en contexte en Africain en particulier.
Exposé introductif
Abordé sous le prisme de la lutte contre le VIH au Cameroun, l’enseignement de l’annonce du diagnostic en pédiatrie répond à quatre questions à savoir :
• Qu’est ce que l’annonce du diagnostic à l’enfant?
• Qui doit faire l’annonce?
• Quand commencer l’annonce?
• Quand terminer l’annonce?
Chemin qui mène à dire ou à parler de l’affection dont est atteint l’enfant aux parents et plus tard à l’enfant lui-même, l’annonce doit être faite de manière à ce que les parents ou l’enfant vivent moins dramatiquement les soins qui seront apportés à leurs enfant ainsi que l’évolution desdits soins.
C’est un ensemble de plusieurs défis appelés « les défis de l’annonce » ; que doit relever l’équipe soignante.
Ø Le premier défi est celui de la bonne communication : ce qu’il faut éviter ici c’est de rater l’accueil des parents. Il faut en outre s’assurer que les parents participent et comprennent la communication. Le soignant doit être à mesure de gérer l’angoisse des parents. Le secret de la réussite du dévoilement du diagnostic réside dans une bonne communication qui est patiente, précise et permanente.
Ø Le second défi se situe dans le cadre d’une annonce précédée d’un vécu douloureux de la maladie en famille ; c’est le défi de l’appréhension forte de la gravité, lequel est généralement soutenu par les opinions d’ami, les consultations des Réseaux Sociaux ou d’Internet. Ici, le niveau d’angoisse des parents est déterminant pour le succès ou l’échec de l’annonce et 04 mesures peuvent alors être prises par le soignant. Ce sont une fois de plus un bon accueil et une parfaite communication ; l’accompagnement par le médecin ; informer les parents des gains obtenues par la prise en charge et vaincre les difficultés plutôt que de les masquer.
Ø L’annonce peut aussi être celle d’un diagnostic qui est un évènement lourd, souvent assimilé à une sentence de mort dans l’esprit des parents ou dans l’imaginaire commun (c’était le cas à une époque du VIH/SIDA et aujourd’hui du Cancer de l’enfant). Dans ce cas, l’annonce est un chemin délicat parce qu’il y’a attente de la confirmation. Elle se fera de manière longue, car l’équipe de l’annonce doit être aux cotés des parents. Cette situation appelle à l’empathie - une vraie empathie – des médecins. Qui a pour principes :
· Faire prévaloir le respect de l’éthique en communiquant la vérité sur l’affection dès qu’elle est connue ;
· La vérité sur les moyens thérapeutiques et leurs résultats ;
· L’accompagnement sur la létalité ;
· L’efficience – qui semble venir du couple vérité et accompagnement
La stratégie de l’annonce du diagnostic est axé sur l’accueil - un bon accueil - qui passe par une bonne communication
Contributions et questions
La Première contribution était relative à la prise en charge psychologique dans l’accompagnement des parents et de l’enfant après l’annonce du diagnostic ; expression de la nécessité de recentrer le rôle des psychologues en tant que accompagnateur : une perspective sur la place des sciences sociales dans ce processus.
La Seconde contribution a porté sur le processus d’annonce du diagnostic de manière pratique pour la famille, au-delà de l’information – en ne se limitant pas à la communication de la pathologie dont est porteur l’enfant ; mais en expliquant comment s’est fait le diagnostic.
Questions :
Ø Qu’en est-il de l’annonce du diagnostic des maladies autres que le VIH/SIDA ?
Ø Que faut-il faire pour améliorer l’accueil dans les services hospitaliers au Cameroun ?
II. SYNTHESE DES ECHANGES SUR: ETHIQUE ET RAISONNEMENT CLINIQUE PARTAGE
Communicateur : Roger ZINTCHEM - Physiologiste - université paris Sorbonne-France ;
Exposé introductif
Le raisonnement clinique renvoie à l’ensemble des opérations mentales ou schèmes mentaux menés et mise en place qui précèdent l’établissement du diagnostic. Le raisonnement clinique est donc un préalable au diagnostic. C’est en cela qu’il est lié à l’éthique.
Pour renforcer ce lien et montrer l’intérêt de la pratique de l’éthique dans le raisonnement clinique partagé en vue d’un meilleur diagnostic, il est nécessaire d’ancrer l’éthique et le raisonnement clinique dans la culture hospitalière. Car, un tel raisonnement est un enjeu majeur des recherches sur l’amélioration des pratiques et des actes médicaux soignants. Cette amélioration passe par le développement d’une intelligence collective médico-soignante, sécure et de qualité ; qui prend en compte une gouvernance clinique et une optimisation du parcours patient ; le tout ayant pour dénominateur commun une mobilisation permanente d’opérations mentales. Ces dernières relevant tantôt de l’ordre des actes de soins théoriques abstraits, tantôt de l’ordre des actes de soins pratiques et concrets.
Aussi, ces opérations doivent être conformes aux principes éthique d’autonomie, de bienfaisance, de non-malfaisance et de justice ; de même que le raisonnement clinique partagé doit obéir aux principes de : communication ouverte, de respect des valeurs individuelles, d’inclusion des patients, de collaboration interprofessionnelle et davantage d’empowerment du patient pour une participation active dans ces processus.
Contributions et questions
Première contribution : Nous vivons dans un paradigme où le personnel soignant ou le personnel de santé se considère comme le savant et son vis-à-vis le malade et sa famille comme ignorant. De même, la littérature soutien que le personnel soignant est le pole psychologique majoritaire, tandis que le malade ou sa famille est le pole psychologique minoritaire. La question est : comment changer ce paradigme ? Autrement dit, comment est-ce que le personnel soignant peut intégrer suffisamment la culture dans le raisonnement clinique afin que le malade et sa famille ne soient plus passifs, mais davantage auteurs de leurs soins ?
Autre question : est-ce que la multidisciplinarité est effective dans notre contexte ?