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Contexte et justification

Les participants de la 18ième édition du Café Ethique de l’Hôpital Central de Yaoundé ont exploré en date du Mercredi 19 Juin 2024, comment préserver l’éthique du soin, des conflits d’intérêts, de leurs manifestations, ainsi que leurs déterminants et leurs conséquences en contexte camerounais. Durant deux heures d’échanges modérés par le Pr Pierre Ongolo Zogo, conseiller médical dudit hôpital et sous la direction du Pr Pierre Joseph Fouda, les participants ont discuté des diverses facettes de la phénoménologie du conflit d’intérêts dans le prendre soin en contexte camerounais.

 

Pour camper les débats, le modérateur s’est inspiré du 24ème verset du chapitre 6 de l’Evangile de saint Mathieu pour traduire l’impossibilité pour le soignant de servir simultanément deux maitres que sont le  patient et l’argent. – en effet, « nul ne peut servir deux maitres ; ou bien il haïra l’un et aimera l’autre ; ou bien il s’attachera à l’un et méprisera l’autre ».

 

Les conflits d’intérêt touchent à l’enjeu des rapports entre soin et argent ; et au risque de commercialisation de la santé. C’est le carrefour ou se rencontre l’exercice du métier de soignant, de l’argent et de la moralité. Le soignant va se trouver face à une situation de conflit d’intérêt chaque fois que son intérêt individuel prédomine face à l’intérêt de son patient, ou de celui de l’institution dans laquelle il travaille, ou alors chaque fois que l’intérêt du patient s’oppose à celui du soignant.

 

Exposé introductif – il s’est fait dans l’ordre des points d’articulation suivants :

 

·      Intérêt, actualité du sujet et clarification de la notion de conflit d’intérêt :

 

Ø  Définition de Thompson en 1993 dans la pratique du soin et la recherche en santé (« le conflit d’intérêt nait lorsque le jugement d’un professionnel soignant ou d’un chercheur sur un sujet d’intérêt primaire, c’est-à-dire la démarche diagnostic, l’utilisation d’une thérapeutique ou l’intégrité de la recherche est indument altérée par un sujet d’intérêt secondaire ; en particulier un gain financier, un intérêt pour la carrière ou une question de rivalité personnelle »).

 

Ø  Définition selon la loi française d’octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, stipulant en sont article 2 que « constitue un conflit d’intérêt, toute situation d’interférence entre un intérêt public ou privé, des intérêtspublics ou privés, qui soient de nature à influencer ou à paraitre influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction » - cette définition s’applique au domaine de la santé étant entendu que cette dernière est un bien commun ou bien public.

 

·      Typologie des conflits d’intérêt :

 

Le soignant doit être à même de reconnaitre les situations de conflits et les déclarer d’une part ou les éviter d’autres car ces conflits se trouvent au cœur de la pratique de soin de nos jours. Pour y parvenir, il devrait être outillé de manière solide sur le plan moral, sur le plan de la déontologie et sur le plan de l’éthique.

 

·      Problématique du conflit d’intérêt :

 

La situation de conflit d’intérêt s’avère problématique car elle produit une altération du jugement, parce qu’elle biaise l’expertise. L’indépendance des experts  est altérée à raison des rémunérations, des avantages matériels et pécuniaires qu’ils peuvent escompter. Ce qui peut conduire à des erreurs de diagnostic ou à des décisions thérapeutiques non optimales. Ainsi, Quelles sont les règles qui sous-tendent les justifications a priori ou a posteriori des décisions ou des actions des soignant qui vont garantir que c’est l’intérêt primordial du patient qui est en avant ? Comment faire pour s’assurer qu’on préfère l’indépendance du soignant en tant qu’expert vis-à-vis de l’appât du gain, notamment à travers des liens financiers avec l’industrie pharmaceutique, les pharmacies, les laboratoires d’analyses médicales, les centres d’imagerie médicale ou les laboratoires d’exploration fonctionnelle.

 

·      Réglementations sur les conflits d’intérêt :  

 

Cette réglementation porte essentiellement sur la déclaration des conflits et/ou sur les voix et moyens d’éviter ces conflits ; elle prend racine dans la morale, dans la déontologie et dans l’éthique. Il en est ainsi des : serments d’Hippocrate, de Galien et de Florence Nightingale qui responsabilisent les soignants et leurs donnent des orientations déontologiques ; des principes éthiques (respect de l’individu, consentement éclairé et confidentialité) qui constituent le fondement de la relation entre le soignant et le patient. 

 

Tout comme il en va de l’effectivité et l’applicabilité du cadre déontologique de lutte contre les conflits d’intérêt.

 

·      Causes ou motivations des conflits d’intérêt :

 

Les situations de conflit d’intérêt émergent selon les mœurs et les valeurs sociales dans un contexte donné, et sur les qualités personnelles du soignant d’autre part, surtout lorsqu’il n’a pas le choix ou lorsqu’il a une multiplicité de choix. L’omniprésence du conflit d’intérêt s’explique par les liens entre la pratique des soins et la technologie ; la présence du cash dans le système de santé qui crée l’appât du gain.

 

 

 

Echanges, Contributions, Commentaires, réponses aux questions et Questions –

 

Ils ont porté sur les aspects suivants de la question :

 

Ø  l’éthique individuelle du soignant qui est invité à considérer sa prestation de serment car la profession médicale est noble et ne s’exerce pas sans contre-pouvoir.

 

Ø  la pluralité d’intervenants privés (firmes pharmaceutiques) pour admettre que l’exercice médical ou l’exercice pharmaceutique n’est plus possible sans la technologie ; cette technologie ou cette industrie à sa place.

 

Ø  La mise sur pieds d’un code d’éthique sur le marketing des produits de santé.

 

Ø  La vente des produits pharmaceutiques par le personnel aux patients.

 

Ø  La problématique des conditions d’exercice et de pratique des soignants et leur  influence sur l’émergence des situations de conflits.

 

Ø  Le détournement des malades vers les formations sanitaires privées : fameuse situation d’autoréférence.

 

Ø  La différence entre l’assurance communautaire et l’assurance moderne dont le problème en gros est celui de la pratique des mutuelles en Afrique.

 

Ø  La manifestation de la dichotomie où un soignant a doublement ou triplement intérêt dans une prescription qu’il fait.

 

Ø  Le cas du Résident stagiaire ou apprenant confronté à une situation de conflit d’intérêt : quel mode de gestion ? il est recommandé l’obligation de confraternité, de loyauté.

 

 

 

·      Commentaire et mot de fin du Dir. HCY :

 

Il a insisté sur la noblesse, l’éthique, la déontologie et la morale dans la pratique du métier de la médecine. Il a ensuite proposé d’aménager un temps pour trouver l’origine de la maladie cause des conflits d’intérêts  et pouvoir apporter des solutions définitives. Il a enfin exhorté le centre des bonnes pratiques à diagnostiquer la maladie et proposer un traitement.

 

Propos concluants - A l’issue de ce mot de monsieur le Directeur HCY, un début de solutions a été proposé par le coordonnateur du Centre qui a adressé les questions suivantes : Quels sont les déterminants de la dérive ? Quelle est l’étiologie de la dérive ? Pourquoi le dérapage ? Ou la maitrise des envies a disparue.

 

Pour lui, les points qui ont été abordés révèlent bien que l’exercice social de la médecine, lorsqu’il n’est pas construit sur des hommes et des femmes qui essaient de rester à jour pour reconnaitre quels sont les risques auxquels ils sont exposés, ils peuvent parfois dériver parce qu’ils ont été contaminés par le contexte social alors qu’ils sont supposés être les garants d’une certaine manière de faire.

 

L’un des constats est que souvent, les échanges autour des problématiques éthiques restent très théorique et ne montrent pas du doigt ce qui est bon ou ce qui n’est pas bon parce qu’on est dans la logique de tout relativiser. Cette dimension de la relativité ou du relativisme a certainement son rôle à jouer : quelles peuvent être les solutions ? – pour reprendre Diogène tout à essayant de répondre à cette question, nous devons continuer de chercher l’Homme, et donnons à cet homme les valeurs de la tradition, de la noblesse du soignant, de la dignité qui doit être celle du soignant, de sa mission qui est de restaurer l’homme rendu vulnérable par la maladie.