Philosophe et spécialiste des questions d’éthique en lien avec le transhumanisme ; Monsieur Ebenezer NJOH MOUELLE a par ailleurs occupé plusieurs fonctions dans la haute administration camerounaise.

 

Contextualisation

 

Le café de ce jour a débuté par une présentation sommaire du concept de café éthique à l’hôpital central de Yaoundé ; ainsi il a été présenté comme une plateforme qui a pour ambition de sortir des cours théoriques pour parvenir à un prendre soin pratique différent au Cameroun, en créant les conditions pour que les soignants développent progressivement une réflexion éthique. Dans cette optique, ont été également souligné l’ordre duquel relèvent les thématiques traitées depuis le 23 Novembre 2022, date de son existence ; mais aussi l’audience et les différentes modalités d’accès à la plateforme d’échange. Mais, il a été davantage question dans le propos introductif du Pr Pierre ONGOLO ZOGO, Conseiller Médical de l’HCY, Coordonnateur du Centre pour le Développement des Bonnes Pratiques en Santé (CDBPS-H) et Initiateur dudit café, de contextualiser cette thématique. C’est ainsi qu’ont été évoqués entre autres l’importance et l’intérêt de questionner les enjeux éthiques du transhumanisme pour la santé ; de poser les questions relatives à l’actualité de la technologie dans le prendre soin au Cameroun ; de son accessibilité eu égard aux couts qu’elle nécessite et qui ne sont pas toujours à la portée de tous. Autrement dit, le dispositif de prise en charge (au Cameroun) permet t-il l’accès et l’usage des procédés technologiques et précisément des dernières avancées scientifiques et techniques en la matière ? En d’autres termes ces procédés sont-ils disponibles ? Sont-ils accessibles aux vues de la mobilisation financières qu’ils requièrent dans un contexte d’engagement et de promotion pour des soins de qualités ?

 

Exposé de l’Invité

 

Définition du transhumanisme - C’est un mouvement culturel et intellectuel qui prône l’utilisation des sciences, leur développement ainsi que les technologies dans le but d’améliorer la condition humaine en augmentant les capacités physiques et mentales des êtres humains et même à supprimer leurs maladies, leurs souffrances voire même la mort. Les idées qu’il véhicule sont les suivantes :  

 

·      La nature humaine n’est pas figée, elle est modifiable - on peut la modifier fondamentalement en vue de son amélioration ;

 

·      Se servir de la technologie pour accroitre les capacités physiques, mentales et reproductives ;

 

L’évolution du transhumanisme - En se situant comme la fin de l’enfance de l’humanité et le début d’une ère post humaine ou de renaissance de l’humanisme, l’évolution du transhumanisme se poursuit dans l’ordre des étapes ci-après :

 

·      Première étape : L’homme réparé ;

 

·      Seconde étape : L’homme transformé, augmenté ou post humain ;

 

·      Troisième étape : L’homme machine/hybride ou l’homme bionique qui fait usage de prothèses et d’organes artificiels, et qui est définit comme une entité hybride (c’est-à-dire mi biologique et mi cybernétique) constitué d’organes artificiels en vue de reproduire par imitation les fonctions biologiques ou naturels du corps humain.

 

Aussi, le tableau des statistiques des greffes dans le monde qui révèle les insuffisances dans l’emploi de ces dernières au rang des avancées médicales, vient justifier l’intérêt pour les acteurs de ce mouvement de militer pour un passage à l’artificiel notamment par l’artificialisation par voie de synthèse d’organes. Cet état des choses traduit les annonces transhumanistes ou futuristes auxquelles on assiste aujourd’hui.

 

Les annonces transhumanistes ou futuristes – elles peuvent être résumées en deux grands évènements à savoir :

 

·      La disparition de l’humanité telle qu’on la connait aujourd’hui – en ce sens, l’humanité cèdera sa place aux machines ;

 

·      La fusion d’une manière ou d’une autre de l’homme avec la machine.

 

Toutefois, cette évolution exponentielle soulève des préoccupations qui pour la première est d’ordre pratique ou technique ; la seconde étant d’ordre éthique.

 

La première préoccupation pose davantage le problème de la faisabilité de tels projets ou opérations. Plus précisément il s’agit à ce sujet d’évaluer le degré de cohabitation harmonieuse entre les matériaux biologique ou biomatériaux et les matériaux de synthèse et en particulier les matériaux inorganiques voire métallique.

 

La préoccupation d’ordre éthique quant à elle cherche à savoir si le transhumanisme peut-il occulter totalement la question éthique dans le domaine de la santé ; et mérite ainsi d’être abordée sous une autre rubrique.   

 

Transhumanisme et éthique

 

Cette partie de l’exposé avait pour but de répondre à la question posée plus haut, à savoir si le transhumanisme pourrait-il totalement occulter la préoccupation éthique ? La réponse semble être à la négative, en raison de l’intérêt reconnu à la place qu’occupe l’éthique dans les projets et programme, soutenue par l’adoption des codes éthiques ou des principes ou éléments à caractère éthique. L’expression de cet intérêt pour l’éthique au cœur des expériences transhumanistes se traduit par les questions de confiance vis-à-vis de cette nouvelle technologie avancée et davantage de responsabilités vis-à-vis des hommes-initiateurs des projets reposant sur cette technologie.

 

La place de l’éthique en matière de santé dans le transhumanisme

 

 Dans cette rubrique, l’invité à évoqué entre autres : la dispensation des soins de santé dans un contexte d’inégalités économiques ceci du fait des couts d’accès aux technologies avancées en matière de santé ; la mise au chômage du personnel médical notamment par les robots chirurgiens. Il a davantage souligner le fait que le problème éthique ne commence à se poser qu’au moment de passer des préoccupations de thérapies normales concernant des malades et des handicapés à la préoccupation d’augmentation des capacités qui ressemblent à du dopage. Pour lui, « il n’y a pas lieu de s’opposer aux grands avancées de la science et des technologies quand il s’agit d’empêcher l’apparition des maladies, de la dégénérescence, pourvu que soit sauvegardé l’humain dans l’homme ».

 

Le rôle de l’Afrique : le mot de l’Afrique pour se protéger et sauvegarder l’espèce   

 

D’emblée, il faut préciser ici que le problème de la place de l’éthique en matière de santé dans le transhumanisme se pose de la même manière en Afrique que dans les pays développés et riches, car il s’agit de l’avenir de l’homme.

 

La critique de certaines orientations de la recherche technoscientifique qu’elle soit d’obédience transhumanistes ou non ne devrait pas empêcher que l’Afrique tire un avantage des aspects positifs indiscutables au niveau de l’homme demeuré biologique et pas nécessairement désireux de muté en un nouvel espèce d’homme-machine.

 

Le transhumanisme devrait faire l’objet d’une volonté d’appropriation par les africains. Tout est question de sens, de la mesure et des limites à ne pas franchir. C’est pourquoi le pouvoir d’état en Afrique ainsi que l’autorité morale religieuse devrait s’instituer comme défenseur de la sauvegarde de l’espèce en plaidant en faveur d’une régulation à l’échelle mondiale de tout programme de recherche scientifique présentant des risques d’extinction de l’espèce humaine. 

 

A ce propos, le Cameroun pour sa part s’est doté d’une loi pour donner aux principes éthique la capacité de contrainte qui leur manque. Ainsi la loi sur la Procréation Médicalement Assistée martèle un certain nombre d’interdictions dans l’emploi ou l’usage de certaines techniques médicales avancées dans le domaine de la procréation.

 

 

 

Contributions et questionnement

 

Cette phase de la discussion a témoigné de l’intérêt des médecins pour la réflexion philosophique car plusieurs questions et propositions relevant de l’éthique fondamentale ont été soulevées. En voici quelques points clés :

 

  1. Défis éthiques : La médecine moderne est confrontée à des dilemmes complexes, tels que le trafic d’organes, les mutilations génitales et les mariages précoces. Comment concilier ces pratiques avec l’éthique médicale ?
  2. Humanisme révolutionnaire : La médecine du désir du patient est un défi existentiel. Comment les médecins peuvent-ils naviguer entre soigner et respecter les choix individuels ?
  3. Techno-dictature : La présence dominante de Google et Amazon dans le partage des connaissances sur le transhumanisme soulève des inquiétudes. Comment éviter une dictature technologique ?
  4. Dimension éthique : Les médecins africains doivent être des ambassadeurs des technologies tout en intégrant une dimension éthique dans leur formation.
  5. Solutions éthiques : Encourager les parlementaires à aborder les questions de transhumanisme lors des sessions législatives. Favoriser la sensibilisation et la communication au-delà des cercles restreints.
  6. Spiritualité et transhumanisme : Utiliser la spiritualité pour aborder la quête de l’immortalité prônée par le transhumanisme.
  7. Perception de l’IA : L’IA est souvent perçue comme une menace en Afrique. Comment éduquer et intégrer l’IA de manière éthique ?
  8. Formation du personnel soignant : Intégrer les problématiques éthiques dans les programmes de formation.
  9. Ouverture au transhumanisme : Les Africains doivent s’ouvrir à ces débats, mais est-ce possible sans compromettre leur identité géo-éthique ?